dimanche 24 janvier 2010

20 janvier

Je me léves à 7h, pas vraiment conquérant... je sais pas à quoi m'attendre! J'ai plus le choix, je dois passer par Rosso!
Je chope le premier taxi qui passe devant l'hotel et on se dirige vers la gare des grands taxis en direction du sud. Sur le chemin, une voiture avec deux hommes dedans essaye de venir à notre hauteur par la droite, sur le bas-coté. Ils m'interpellent : "Rosso?". Avant que je puisse répondre un oui naïf, le chauffeur leur dit non trés séchement et leur fait signe de la main de s'en aller. Ils reviennent deux ou trois fois à la charge avant de lâcher l'affaire. Je lui demande pourquoi il a dit non, moi ça m'arrangeait de partir le plus vite possible. Il me réponds que ce sont pas des vrais taxis, y'a de grandes chances qu'ils n'aillent même pas à Rosso, il me dit textuellement : "ce sont des assassins!" gloups...
Arrivés à la gare, on est assailli par cinq chauffeurs qui veulent remplir au plus vite pour partir. On est toujours pas garés que les négociations ont commencé, je sais que le prix est de 3000 Ouguiyas, donc ça va je peux me débrouiller et puis mon taxi m'aide à marchander, c'est sympa!
Je me retrouve devant le coffre d'un grand taxi et il y a là une dizaine de personnes qui s'affairent pour faire rentrer tous les bagages. Ils y a des gros sacs, plus gros que le mien, et un mouton empaqueté dans un grand sac plastique déja installé dans le coffre, vivant. Et on le bouge comme un sac, on essaye plein d'agencements différents. Finalement on change de taxi pour un coffre un peu plus grand. On fout le mouton au fond, mon sac contre lui et les autres sacs, un peu partout autour, ensuite on ferme le coffre en forçant un peu. bééééééééééé...
Nous voila donc partis, il y a deux femmes derriére avec moi et un jeune devant, le propriétaire du mouton. Il doit avoir beaucoup d'humour parcequ'à chaque fois qu'il dit un mot toute la voiture éclate de rire, moi biensûr je comprends rien et personne ne me calcule.
De toute façon, je suis en pleine gamberge, je me prépares psychologiquement. J'ai deux missions, la premiére c'est de changer les ouguiyas qu'il me reste au meilleur taux possible, histoire d'arréter de jeter l'argent par les fenétres et puis je dois passer ce p... de poste frontiére.
J'en ai tellement entendu : foule, vols, corruption... Je me suis même pas rasé depuis plusieurs jours histoire d'avoir un peu moins une tête de premier de la classe, déja que j'ai la coupe à Mason Capwell!
En plus, au bout d'une heure de trajet j'ai la fesse droite qui me fait horriblement mal, mon muscle compense le rebord du fauteuil et vue la corpulence de mes deux voisines, il m'est impossible de bouger d'un centimétre.
Aprés deux heures et demi et quelques postes de police plus tard, on arrive à Rosso. Le taxi me demande si je veux descendre ici, à l'entrée de la ville. "Ben... oui, pouquoi pas..."
Le garçon de devant m'adresse la parole pour la premiére fois et m'explique : "moi et les deux femmes on lui a donné 100 ouguiyas de plus pour qu'il nous emméne à la frontiére"
Moi : "Et bien je vais faire pareil"
Lui : "Tu va où?"
Moi : "A Dakar"
Lui : "les deux femmes là elles vont à Dakar, moi je vais à Saint-Louis"
Moi : "... ok..."
Lui : "Jet'invite chez moi à Saint-Louis, tu veux?"
Moi : "!!!"
Je l'avais pas vu arriver celle-là! Je suis un peu pris au dépourvu mais je réponds d'accord spontanément!
Il éclate de rire : "Tu me connais même pas et tu dis oui??"
Moi : "Si, je connais bien ton coté gauche maintenant, je le vois depuis deux heures"
On descends dans Rosso, il paye un gars pour qu'il nous suive avec le mouton en laisse et il m'emméne au fond d'un marché couvert ; "si tu as des ouguiyas il faut les changer ici, c'est le meilleur taux"
Trop bon, mission 1 accomplie!!
On fait quelques métres et là je lui demande son prenom : " Thiérno"
"Alors Thiérno, merci beaucoup!!" et je lui sers la main. Il sourit et me dit :
" Tu sais, c'est maintenant que ça commence vraiment!" et il me montre l'entrée du poste frontére en face du marché. Là, c'est une cohue hallucinante, il y a des gens partout et ça se bouscule, ça piaille, tout le monde veut entrer en même temps par la petite porte en haut des quelques marches de l'escalier.
On s'avance en file indienne, Thiérno me conseille de tenir on passeport fermement et de mettre mon argent dans une poche qui ferme avec une main dessus, il prend ma guitare sur son dos et tiens mon sac derriére moi pour que personne ne puisse y accéder, le gars avec le mouton est devant. On avance tant bien que mal dans la foule.
A quelques métres des marches Thiérno interpelle le gars qui fait rentrer les gens. L'autre lui fait un grand sourire et nous aide à passer à travers la foule.
A la porte il y a un douanier en tenue qui empéche les gens d'entrer.
Il laisse passer le gars avec le mouton sans probléme mais pour moi il ne veut pas, il tend le bras et me bloque le passage. Je suis poussé par les gens derriére qui veulent avancer, une femme à coté me crie dessus parce que je lui arrache le bras avec mon gros sac, quelqu'un s'appuie dessus de tout son poids, le pote à Thiérno me tire vers l'intérieur et le douanier me bloque. J'ai les jambes qui tremblent sous la pression.
Finalement le douanier me laisse entrer mais me demande mon passeport. Il part avec et me dit de le suivre.
Thiérno me dit qu'il garde mon sac. Je suis en roue libre, y'a une heure on s'était jamais adressé la parole et maintenant je lui laisse carrément mon sac...
On entre dans un grand bureau, le douanier me dit : "lui, c'est le grand chef!". euh...d'accord...
Celui-ci prend mon passeport, le feuillette, me jettes un oeil méprisant et le file à un autre qui s'en va.
Je le suis.
On entre dans le bureau d'à coté, beaucoup plus petit. Aux fenétres il y a des barreaux et des dizaines de bras qui tendent leur carte d'identité, c'est le brouhaha.
Au bout de cinq bonnes minutes, on me tend mon passeport, c'en est fini pour le coté mauritanien!
Je retrouve Thiérno à l'extérieur sur l'embarcadaire mais le bac n'est toujours pas revenu.
On attend quelques minutes quand il interpelle quelqu'un à nouveau. Le gars vient vers moi et me prends mon sac, ...euh... il me souris et dis  : "il n'y a pas de probléme".
Je porte carrément plus rien, thiérno a ma guitare et l'autre mon sac. Ils chargent les affaires et le mouton sur une pinasse, congédient le type qui le tenait et on monte à notre tour, pour traverser le fleuve Sénegal en direction de l'autre Rosso.
Le mouton pisse à deux centimétres de mon sac, je vois les éclaboussures, je me dis que c'est pas bien grave, va!...et puis il est assoiffé mais il n'arrive pas à atteindre l'eau, sa corde est trop courte. Je prends de l'eau dans ma main et lui mets à la bouche mais il tourne la tête, c'est con ces bestioles!!!
En chemin Thiérno me présente son ami : "Il s'appelle Omar, il travaille ici. Donnes-lui ton passeport"
Arrivés sur l'autre rive, Omar disparait avec mon passeport et la carte d'identité de Thiérno. Ce dernier achéte une bouteille de Sprite bien frais que l'on sirote dans des gobelets, assis sur nos bagages au milieu d'un bordel incroyable!
Cinq minutes plus tard, Omar revient avec les piéces d'identité : "C'est bon!"...
C'est bon?? c'était ça Rosso? AHAHAH trop facile! En même temps, si Thiérno n'avait pas été là, je serais toujours en train de chercher à faire le change!
On charge nos affaires sur une charrette tirée par un mulet, on file au trot soutenu, c'est sportif!! Le jeune qui conduit maintient le mouton ficelé à nos pieds en le plaquant au sol, un pied sur ses cornes.béééééééééé...
On attend une petite heure que notre taxi soit plein et on part. Au bout de 2 minutes, ma douleur à la fesse se revéille, et comme on est coincés tous les trois à l'arriére épaule contre épaule, c'est toujours impossible de bouger. La chaleur est monstrueuse. Sur le toit, on a re-empaqueté ce pauvre mouton dans un sac plastique, je me dis qu'au moins il a de l'air lui!
Thiérno m'explique qu'il cherche du travail sur Nouakchott, il a un entretien dimanche (!) mais il redescend pour féter le baptéme de son "fils" (en fait, son neveu), c'est pour ça qu'il se trimballe un mouton.
Omar est du voyage, Thiérno l'a aussi invité chez lui pour la fête, ils se connaissent depuis plus de dix ans à l'école coranique.
On arrive à Saint-Louis vers 16h. On prend un autre taxi pour faire les 500 m jusqu'à la maison.
Dans la piéce à vivre il y a 3 femmes assises. "Stephane, je te présente mes soeurs". 3 autres femmes entrent dans la piéce "je te présente mes soeurs". Une vieille passe la tête à l'intérieur "je te présente ma soeur"...
"Tu as combien de soeurs?" En fait, les femmes de ses fréres sont ses soeurs, ses cousines aussi etc...
On nous apporte un grand plat avec du riz, du poisson, je me rappelle pas le nom... Je regarde les autres faire et je copie. On envoie la main, on compresse et on mange, les souvenirs de Guinée affluent!
Aprés on se cale sur les matelas disposés tout autour de la piéce et on bois du thé servi trés chaud et à boire vite pour laisser le verre à un autre. On se mate un match de foot, les gens arrivent saluent tout le monde, s'installent puis repartent. Thiérno me dit : "Tu vois, c'est comme ça ici, on boit du thé, on reste calme. Aprés on ira faire un tour en ville si tu veux".
En debut de soirée, ils m'emménent de l'autre coté du pont dans le quartier plus touristique, je leur paye un coca chacun et moi je me prends un Flag. En sortant de chez Pascal et Muriel, la veille de mon départ, je m'étais dit que ma prochaine bére serait une Flag, c'est fait, mais j'aurai jamais pensé que ce serait au Sénégal!!
Au retour, on croise des tonnes d'amis à Thiérno, à chaque fois il sort blague sur blague de son air trés sérieux, ça marche à chaque fois, filles ou garçons tout le monde explose de rire, moi un peu moins vu que...
On retourne manger dans la petite salle cette fois. On est plus nombreux donc deux plats sont posés par terre, dés que j'ai le malheur d'arréter de macher une seconde y'a toujours quelqu'un pour me dire "mange!" ou "tu n'aimes pas ça?" alors je mange en boucle, mes voisin de chaque coté poussent réguliérement le riz dans mon coin du plat et Nafi, la petite soeur de Thiérno déchire des bouts de viande qu'elle jette de mon coté ou carrément dans ma main, au final je suis sûr que j'ai mangé le double d'eux!!
En fin de soirée, mes deux amis m'accompagnent à l'hotel que j'ai pris à 200 m de chez eux. J'ai décliné l'invitation à dormir parce qu'il y a beaucoup de famille qui vient dormir pour le baptéme de demain et aussi parce que j'ai besoin de ma ration de solitude quotidienne. Sur le chemin je dis à Thiérno que je suis trés content de l'avoir rencontré, il me réponds : "Et moi je voudrais te remercier de m'avoir accordé ta cofiance alors que tu ne me connaissait même pas." C'est le monde à l'envers, c'est lui qui me remercie!!
Je me couche en me répétant en boucle, "Oh putain!!" Quelle journée!

5 commentaires:

  1. magnifique cette rencontre. j'ai hate de connaitre la suite. bisous
    maman

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  2. Voici quelques proverbes sénégalais qui pourrait te servir:
    • Alors que ta jambe brûle, tu te demandes d'où vient l'odeur
    • Le puissant ne se hâte pas
    • Le savon ne se lave pas lui même
    • Ne regarde pas l'endroit où tu es tombé, regarde plutôt l'endroit où tu t'es cogné
    • Avant de médire, tourne-toi pour regarder derrière toi
    • Tous les blancs ont une montre, mais ils n'ont jamais le temps
    • Une visite fait toujours plaisir. Si ce n'est à l'arrivée, c'est au départ !

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  3. continue comme ca c'est bien!! pour le moment les gens que tu rencontres (pour la plupart) sont vraiment gentils et serviables, c'est une chance, gros bisous cecile nous dira comment tu vas marie-jo michel

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  4. Ouahou ! quelle journée pleine de richesses.
    On te suit toujours avec impatience dans ton merveilleux périple...
    On t'embrasse, Louna, Chems, Cathy, Mouloud...

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