4 mars :
Levé à 7h, je pars en ville pour une longue balade qui me conduit directement dans un cybercafé... 4 heures plus tard j'en ressors!
Le temps de mettre à jour ce blog (ça devient de plus en plus compliqué de le tenir au jour le jour comme vous avez dû vous en rendre compte...), de lire un peu ce qu'il se passe dans le monde (le fait le plus marquant étant bien entendu le maintien de Domenech à la tête de l'équipe de France!) et de prendre un peu le pouls des élections qui ont lieu en ce moment même dans le pays.
A priori, tout le monde est confiant : le temps des violences est derrière nous (en fait les dernières présidentielles, cinq petites années en arrière...).
Un bon repas plus tard, je retourne à l'hôtel pour tenter de "réparer" une fois pour toute ma guitare qui est vraiment injouable (les cordes sont à 2 cm du manche!).
Je passe l'après-midi dessus avant de m'avouer vaincu et de la jeter délicatement contre le mur après avoir pris soin de l'achever à l'aide de mon genou!
Je la range sagement dans la poubelle et je vais sous la grande paillote suivre le déroulement des élections avec les membres de l'hôtel.
Le soir, je ne prends même pas la peine de sortir : je prends mon repas ici-même en suivant les infos d'Africa24 : " les infos du monde pour l'Afrique, les infos d'Afrique pour le monde!"
5 mars :
A peine suis-je sorti de l'hôtel, que deux jeunes d'une vingtaine d'années m'accompagnent, ils se rendent à l'entrainement et sont, bien entendus supporters de l'OM ( franchement, j'ai jamais parlé autant foot qu'ici, heureusement que cette année pour la première fois depuis bien longtemps j'ai un peu suivi ce qu'il se passe...). On a pas le temps de finir de se dire au revoir qu'un gamin d'une douzaine d'années se propose de m'accompagner, je n'y vois pas d'objection.
Il me fait faire le tour de la ville, on passe par le marché, devant la superbe cathédrale en bois (qui me rappelle beaucoup le Québec !) et finalement on s'installe dans un des rares maquis ouverts pour cause de lendemain des élections.
Elie est en cinquième mais depuis quelques temps il va chaque jour à l'école et se fait renvoyer car il n'a pu payer sa cotisation. Il doit faire 6 km à pied chaque matin. Son père est mort et sa mère n'a pas les moyens de payer, il a cherché du travail mais il n'y a rien pour lui etc...
Je sais pas ce qui est vrai dans le tas mais ce qui est clair c'est qu'il cherche à m'attendrir par tous les moyens :)
Pour finir, il me dit que ce qui lui ferait plaisir par dessus tout ce serait que je lui achète un ballon!
oui euh... bof, y'a mieux à faire non? Finalement, comme j'ai du mal à le cerner je lui dit que je passerai peut-être (en insistant bien sur le "peut-être") demain avec un ballon!
Je continue ma route seul, je traverse la ville et vais me perdre quelques heures dans la brousse.
Tout-à-coup : SMS de Cécile, il faut que je trouve un cyber... dans la brousse! Je marche 2mn, le temps d'atteindre une piste et dix secondes après un Zem m'embarque vers le centre-ville... incroyable, ils sont partout, y'a juste à envisager éventuellement l'idée de prendre une moto pour qu'il y en ait un qui surgisse et qui lance "on va aller!"
Sans le gros sac sur le dos, c'est un vrai bonheur de prendre l'air en faisant du cross au milieu des voitures!
Internet étant ce qu'il est ici, je passe la moitié de l'après-midi à essayer de me connecter et comme ça se révèle vain, l'autre moitié à chercher un nouveau cyber.
Lorsque j'arrive à l'hôtel pour me doucher, qui vois-je?... Elie, qui est là par hasard.
"oh, tu m'attendais ou quoi?..."
"non, non." (... Mon œil!)
Je lui dis : "au revoir"
Il me réponds : "A demain avec le ballon!"
Je réponds : "peut-être!"
Je passe quelques heures à boire des Fanta en discutant avec les employés de l'hôtel, toujours sous la paillote : je me sens bien ici, ils sont vraiment sympathiques!
Alors que la nuit commence à tomber, je suis très tenté à l'idée d'aller m'allonger tranquille dans ma chambre mais je me sens une obligation d'aller acheter ce p... de ballon. J'arrive non loin du magasin de sport lorsqu'on me tire la manche... mais qui peut-ce t'être?... Ooooh, Elie? Incroyable!!
"Mais tu me suis vraiment ma parole!!!??"
"Tu va où?"
"Je me balade seulement..."
"Ah..."
"Mais non, je vais chercher ton ballon!"
Sourire jusqu'aux oreilles...
Sourire qui retombe peu après puisque les magasins sont déjà fermés...
Sur le chemin du retour, je lui dis:
"Tu sais, moi je peux pas tout t'acheter mais à choisir je préfères te payer la cotisation pour l'école plutôt qu'un ballon. Donc ce qu'on fait c'est que lundi quand je reviens du Mont Kloto, je passe te chercher et on va à l'école ensemble."
Il parait satisfait une demi-seconde avant de me dire qu'en fait son oncle lui a annoncé aujourd'hui qu'il lui payait l'école donc il préfères le ballon... :))))
"Ok, donc moi je crois que tu me prends un peu pour un imbécile, donc ce qu'on fait c'est que je te paye rien du tout et demain je vais à Kloto."
Je m'installe sous la paillote de l'hôtel à 19h30, prêt à commander un bon repas mais on m'annonce qu'il est trop tard, le cuisinier est déjà rentré chez lui... ah?
Je pars donc en courant en ville pour acheter ce que je trouve sur le bord de la route, du pain, des beignets et des steak de bœuf Nike.
Ensuite, je passe la soirée à écouter de la musique jusqu'à 2 heures du matin (puisque je peux plus en jouer!)...
6 mars :
Comme je me suis couché tard, je me lèves tard... forcément!
A 10 heures, je sors à peine de la douche lorsqu'on frappe à ma porte. "ouiiii?"
"Monsieur ça fait depuis 7 heures du matin que sdfmlsghdskjhslfdkhg..."
J'ai rien compris!
Deux minutes après, mon barda sur le dos, je passe devant la paillote et le serveur me dis :"Monsieur, ça fait depuis 7 heures du matin que ce gamin vous attends!"
Bien entendu le gamin c'est Elie!
"Mais qu'est-ce que tu fais là?? Je t'ai dis que je passais pas ce matin!!"
Je paye ma chambre, il reste à coté de moi.
Je sors pour prendre un Zem, il reste à coté de moi...
Je m'arrête et lui demande : "tu m'attends comme ça depuis 7 heures du matin... bin mon vieux, quand tu veux quelque chose! Allez, on va l'acheter ce ballon!" Il m'a eu, il est trop fort!
Impossible de regretter de s'être fait avoir dans ces conditions, il a un tel sourire quand je lui donne le ballon!!!
Il m'appelle un Zem vers le mont Kloto et négocie lui-même "parce que tu es blanc il va demander trop!"
En montant sur la moto, je lui dis "t'as intérêt à devenir Drogba !!!" Il rigole et me fait un grand coucou avec la main.
Il y a 12 km entre Kpalimé et le village de Kouma Konda sur le mont Kloto où je me rends. Mais en moto, avec mon sac qui déséquilibre le navire c'est vraiment mais alors vraiment du sport. J'essaye quand même de profiter du paysage qui devient magnifique au fur et à mesure qu'on monte le col : la brousse équatoriale, sauvage dans toute sa splendeur!!
A l'entrée du village, je suis directement interpellé par un guide qui me demande où je compte dormir. Comme je lui dis "chez Prosper" il m'accompagne car c'est justement là qu'il travaille!
L'hôtel est très rudimentaire, il y a 4 chambres, la douche se fait au sceau et on est au cœur de la vie du village. Et pour cause : ici, ce sont les villageois qui ont pris le tourisme en main!
Là aussi, il y a une grande paillote où l'on peut se détendre sur des fauteuils confortables, l'air est sensiblement plus frais et il n'y a pas le moindre bruit de moteur, juste le pilon des femmes et les bééééééééé des chèvres alentour.
Le guide qui m'a accueilli s'appelle Selom, on planifie la ballade de demain ensemble en buvant un coup.
Pour aujourd'hui, je pars seul dans le village faire connaissance avec les lieux.
Il y a peu d'endroits pour se poser alors je m'appuie contre un arbre, bien au frais et je passe une heure à regarder ce qui se passe...
De retour à l'hôtel, le cuisinier Pierre (ou Pedro ou Pita... euh Peter ou Stone, choisissez comment vous voulez l'appeler!) m'attends sous la paillote.
Il me demande quelle est ma religion. J'ai pris l'habitude maintenant, je réponds avec certitude : catholique!
Lui : "Catholique protestant ou chrétien?"
Moi : "Chrétien"
Lui : "Comme moi! Demain il y a une messe, d'habitude je peux pas y aller mais comme il y a peu de clients on peut y aller ensemble" (Ah, merde!)
Moi : "Et non, demain, je pars avec Selom pour faire une ballade..." (trop dommage...)
Lui : "Mais c'est à 8 heures!"
Moi : "Ça tombe pile quand on s'est donné rendez-vous"
Lui : "Mais je peux lui en parler, vous repoussez la ballade et c'est bon!"
Moi : "Non, mais franchement c'est pas la peine du tout..."
Je lui explique que je suis Chrétien mais que je ne suis pas pratiquant. Il est un peu déçu mais n'insiste pas plus!
Il tient quand même à me faire voir l'église. En fait, pour l'instant il n'y a que les fondations, faute de moyens ils ont pour l'instant installé quelques bancs, une grande table qui fait office d'Autel et un toit en feuilles de palmiers. Il y a une autre église un peu plus loin, presbytérienne celle-là et complétement finie.
On va boire un coup dans l'unique maquis du village, à 3 mètres de l'hôtel.
Là, il y à deux hommes en train de manger. Tout le monde blague. L'un des deux hommes sort blagues graveleuses sur blagues graveleuses en prenant à partie les serveuses (des gamines!!) qui lui répondent en rigolant... ce pourrait être très glauque mais ça reste néanmoins bon enfant car tout le monde rigole de bon cœur. Peu à peu la conversation bascule dans un autre registre : la théologie. Pierre m'explique que nos voisins sont protestants et que l'un des deux (pas celui des blagues, l'autre) est pasteur. La conversation est enflammée, il y est question des enseignements, des differences entre les deux "obédiences". Pierre se livre presque à une confession en direct avec le Pasteur, ils se jurent de se revoir pour discuter plus longuement une autre fois.
La soirée passe très vite, je me casse le ventre avec un plat de poulet au riz et je pars me coucher assez tôt!
7 mars :
Selom vient me chercher à 8 heures pétantes. J'ai pris l'option découverte botanique, circuit court avec pique-nique.
On commence par visiter les maisons du village avec leurs volets décorés de peintures. En fait, ça n'a rien de traditionnel, mais l'un d'entre eux à lancé la mode et ils ont tous compris le potentiel touristique de la chose donc ils lui ont emboité le pas! Ça résume bien l'esprit des villageois : ici il n'y a pas de sachets qui trainent, on ne pêche plus la carpe pour pouvoir la voir évoluer en liberté etc... tout ça dans un but touristique totalement autogéré!
Il est vraiment calé et moi pas du tout, mais alors pas du tout! Je connais rien, je reconnais rien. Quand il me fait sentir un fruit ou un feuille sensée me rappeler une autre odeur, je tombe à coté à chaque fois. A coté, voire très très loin :)
Il me fait gouter du cacao cueilli direct sur l'arbre, du café également, et plein d'autres fruits aux goûts et aux noms inconnus! C'est très intéressant et ludique! Bien sûr les paysages magnifiques sont de la partie!
Prosper, celui qui à fondé l'hotel où je dors (et que je n'ai pas encore rencontré) est un passionné de papillons et est peintre à ses heures. Il n'utilise que des pigments naturels. Selom me montre où l'on trouve chaque couleur, je suis impressionné par le jaune qui sort lorsque l'on frotte telle écorce ou l'indigo qui sort vert et qui devient peu à peu bleu si l'on attend.
On arrive enfin à la cascade où il est prévu que l'on mange. Le lieu a été aménagé par un jeune du village, il y a des bancs en bambous, des petites tables et le sol est balayé. La cascade apporte une fraicheur plus que bienvenue, comme un brumisateur.
On s'enfile une très bonne salade d'avocats et on finit le repas par un ananas délicieux, on est ici au pays de l'ananas.
De retour à l'hôtel, je m'allonge une petite heure. Quand je sors de ma chambre, Prosper qui vient d'arriver me propose de partager le café avec lui et ses 2 fils ( comme d'habitude, lequel est vraiment son fils?...) qui sont peintres eux aussi! Ils achèvent tous une toile pendant qu'on boit. Lorsque je dis que je suis musicien, il va me chercher une vieille guitare à laquelle il ne reste plus que 3 cordes, c'est déjà ça :)
Roméo (l'un des fils) est lui aussi musicien, il veut absolument qu'on se fasse un bœuf plus tard... mouaiff...on peut essayer mais bon! 3 cordes...
A 16 heures, Selom revient me chercher pour la deuxième ballade mais en haut du mont Kloto cette fois. Époustouflant! Le temps n'est pas aussi clair qu'il l'aurait voulu mais on peut quand même deviner au loin le lac Volta qui se trouve au Ghana, plusieurs villages alentours dont celui où l'on produit l'eau que l'on boit en sachet.
Sur le chemin du retour : interro surprise!
A chaque fois qu'il me demande le nom d'un arbre, je séche!
"mais on l'a vu ce matin?!!"
"Oui mais bon, t'as vu les noms aussi? Clapokier, Clakalbukulu, Bikoukoupatarasca... ou quelque chose comme ça, quoi..." Il est navré...
Pour me faire pardonner, je lui paye un coup à boire, on bavarde jusqu'en début de soirée. Il me confie qu'ici c'est son paradis, il ne partira jamais!
Lorsque Roméo revient, il m'annonce que ses copains sont fatigués et n'ont pas voulu venir faire le bœuf, mais nous on peut s'amuser un peu quand même.
Avant ça, je veux lui acheter une toile, en particulier une toile de jutte qui me plait beaucoup. Lorsqu'il m'annonce le prix, je dis banco, je m'attendais au triple!
On fini la soirée en musique, lui au djembé, moi à la guitare à 3 cordes, à faire du Jean-Claude Marley ou du Bernard N'dour. A un moment, il me sort même "j'ai des petits problèmes dans ma plantation..." non!!!! bin merde alors!!